Un plan de déconfinement pour les cégeps s’impose
Le Ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur vient de faire connaître le plan de déconfinement qui devra s’appliquer pour les écoles. Ce plan sera progressif, permettant un retour graduel des élèves dans les classes, d’abord pour certaines régions du Québec puis pour la région métropolitaine. Ce plan établit par surcroît qu’un nombre limité d’élèves pourront accéder aux établissements scolaires alors que les autres, ceux qui resteront à la maison, auront accès à une offre de formation à distance plus soutenue. Ce plan concernera dans un premier temps le niveau primaire alors que le retour en classe des élèves du secondaire ne se fera qu’à partir du mois de septembre. Certes, on ne peut que convenir de la nécessité d’une reprise graduelle des activités d’enseignement dans les écoles du Québec. Le hic, dans l’état actuel des choses, c’est plutôt l’absence de considération envers le niveau d’éducation supérieure, notamment pour les cégeps, qui laisse perplexe.
Lors de l’interruption des activités d’enseignement en mars dernier, les cégeps, au même titre que les universités, ont été interpellés afin qu’ils s’assurent que l’enseignement puisse se poursuivre en favorisant la mise en place de moyens alternatifs, principalement par le recours à la formation à distance. L’essentiel était que nous puissions sauver la session d’études en cours et préserver l’intégrité de la diplomation. Depuis, le personnel enseignant de nos établissements a donc travaillé d’arrache-pied, avec le précieux concours de leurs collègues non-enseignants, afin de redéfinir leurs cours et les adapter à des modalités de formation à distance. Au surplus, différents accommodements ont été autorisés par le ministère afin de répondre aux enjeux liés à l’évaluation des apprentissages. Tout cela en faisant appel au jugement professionnel de nos professeurs et à l’autonomie des établissements!
Or voici que ces mêmes professeurs, en conformité avec le jugement professionnel qu’on leur a demandé d’exercer, nous signifient que certains cours de la présente session, peu nombreux il faut le dire, ne pourront se conclure à partir de la seule formation en ligne et qu’un minimum de présence physique sur les campus sera nécessaire afin de tenir des activités pratiques d’apprentissage en laboratoires ou en ateliers et ce, dans le but de finaliser la formation et préserver l’intégrité du diplôme.  Il y a là une première raison justifiant l’accès aux campus selon, bien entendu, des protocoles de protection strictement établis.
Une deuxième raison tient au fait que, pour bon nombre d’étudiants, l’inscription à des cours offerts en session d’été constitue pour eux la seule possibilité de compléter leur dossier académique aux fins d’admission dans les programmes de leur choix, soit au niveau collégial ou universitaire. Certes, une session offrant des cours d’été se déroulera en fonction de modalités semblables à celles utilisées pour compléter l’actuelle session d’hiver, soit en misant principalement sur la formation à distance. Cependant, comme dans le cas exposé précédemment, certains cours conçus comme préalables à l’admission, notamment dans les disciplines de chimie, de physique et de biologie, requerront une partie d’apprentissages pratiques, rendant nécessaire une activité en présentiel. L’importance de cette session d’été repose aussi sur la nécessité de maintenir une offre de formation qui facilitera la transition des étudiants d’un ordre à l’autre. Sans cette possibilité, c’est l’admissibilité de milliers personnes aspirant à des études supérieures qui s’en verra compromise.
Une troisième raison a à voir avec les travaux de rénovation qui annuellement se déroulent dans nos établissements. Ces travaux sont effectués en majeure partie durant l’été alors que l’activité sur nos campus est réduite. Ces travaux sont nécessaires afin d’effectuer les aménagements consécutifs aux révisions de certains programmes d’études. Il faut comprendre que ces processus de révision et de mise à jour de programmes introduisent des nouveaux objectifs de formation qui demandent des conditions d’apprentissages nouvelles, lesquelles requièrent à leur tour des aménagements conséquents. Sans possibilité d’effectuer ces aménagements, il sera impossible de déployer les activités d’enseignement telles que prescrits par les programmes.
Bien sûr que la prudence doive guider la prise de décision comme il est tout aussi indiqué de penser à une reprise graduelle des activités pour les écoles du Québec. Un plan de déconfinement établissant un scénario de réouverture progressif des activités pour les cégeps présenterait toutefois l’avantage de régler certains problèmes liés à la finalisation de la formation et à la sanction des études tout en demeurant dans les limites du contrôlable en termes d’achalandage de nos établissements et de respect des mesures de protection. Un tel plan permettrait aussi de modéliser certains paramètres pour préparer le retour en classe au mois d’août alors que s’amorcera une nouvelle année scolaire dans des conditions inédites à tous égards.
Richard Filion
Directeur général
Collège Dawson
Cet article d’opinion a été publié le 30 avril dans Le Devoir :